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Per Ake Sahlberg, éleveur laitier suédois « La production laitière va se reconcentrer sur le centre de l’Europe »

Per Ake Sahlberg est suédois et président d’EDF, un sigle français bien connu pour une association qui l’est beaucoup moins, European Dairy Farmers.

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WA :  Vous êtes agriculteur, producteur de lait. Parlez-nous de votre exploitation en Suède.
Per Ake Sahlberg :
En fait, à maintenant 63 ans, je suis à la retraite depuis cette année. Je me suis installé en 1970, je représentais alors la quatrième génération d’agriculteur sur ma ferme. J’ai réalisé des investissements importants dans les années quatre-vingts, et j’avais, sur la fin de mon activité, 120 vaches laitière. Mon fils, qui est programmateur en informatique, s’est posé la question de la reprise de l’exploitation, et a réalisé une étude économique basée sur un troupeau de 300 vaches. Etude dont les résultats ne l’ont pas satisfait. Il a donc décidé de s’installer effectivement, mais en cessant l’activité laitière, en fusionnant avec une autre ferme, en ne conservant que les grandes cultures, et en restant dans l’informatique à mi-temps. J’ai vendu mon troupeau en Jordanie ! Ce genre d’évolution est courante en Suède où 35 % des logettes sont sur des exploitations tenues par des agriculteurs de plus de 55 ans, qui ne sont plus en mesure de faire évoluer leur structure. C’est à la génération qui nous suit de faire des choix économiques, et puis les gens de mon âge doivent faire de la place à ceux qui ont la motivation indispensable pour continuer.

WA : Quelles vont être à votre avis les conséquences de la nouvelle PAC dans les pays producteurs de lait ?
PA S :
En Suède, le choix a été fait d’instaurer les aides PAC découplées, basées sur la référence historique et sur la régionalisation. Ce découplage, qui va s’appliquer en 2007, provoquera une véritable restructuration, avec de nombreuses cessations laitières, pour les raisons que je vous expliquais plus tôt. Ce qui va provoquer un problème d’aménagement du territoire car des exploitations ne seront pas reprises. Un sujet sur lequel notre gouvernement commence à travailler. Ce genre de problème lié à l’entretien du paysage va se retrouver dans les régions alpines de l’Allemagne, où il n’y a pas d’alternative économique à la production laitière. Plus largement, je pense que cette production va progressivement se retirer des zones nord-européennes pour se concentrer vers le milieu de l’Europe. Dans les Pays Baltes, en Pologne, dans l’Est de l’Allemagne, en France, les structures investissent dans des bâtiments, s’agrandissent, se modernisent. Au Danemark, on assiste à un développement intéressant avec des tailles de troupeaux qui sont désormais plus importantes que celles du Royaume-Uni.
Ces évolutions en terme de structure vont être renforcées par l’évolution de la consommation, car on va assister à une très nette augmentation des besoins en produits agroalimentaires en général et laitiers en particuliers dans les pays nouvellement intégrés à l’Union Européenne. Tout l’enjeu qui nous attend à moyen terme sera de savoir profiter du développement de ces nouveaux marchés, mais sans oublier les éléments humains et l’occupation du territoire. Un dilemme dont n’ont pas toujours bien conscience nos gouvernements trop préoccupés de politique, influencés par le Marché et les exigences de la société de consommation. Ce sera d’ailleurs le thème de notre prochain congrès, montrer que la composante humaine est essentielle pour voir se maintenir ou émerger des structures viables du point de vue économique, mais également en terme de qualité de vie.


EDF, European dairy farmers
« Un groupe technico-économique indépendant d’éleveurs laitiers européens »

Créé en 1990 par une société d’agriculture allemande, le réseau EDF compte aujourd’hui 280 membres de 19 pays différents en Europe, dont environ 200 éleveurs et 80 techniciens et chercheurs dans le domaine de l’élevage laitier. Un comité de représentants de chaque pays organise la stratégie du réseau et oriente les activités. Une équipe de chercheurs et de conseillers en production laitière, EDF STAR (Scientific Team for Analyses and Research) a pour mission de comparer les différents systèmes de production en Europe, en terme d’efficacité économique.

En 2005, le congrès annuel d’EDF se tiendra du 29 juin au 2 juillet à Courcelles-Chaussy, en Moselle, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Metz. Le thème en sera « La qualité de vie et l’organisation du travail en production laitière ». Au programme également la visite de plusieurs exploitations françaises et la présentation du particularisme hexagonal de gestion des quotas.
« Le réseau EDF est ouvert à tous, souligne Jean-François Verdenal, président du réseau France et qui compte sur la tenue du congrès dans notre pays pour mieux faire connaître la structure. Toutes les sensibilités y sont les bienvenues, sans a priori, sous réserve que le producteur soit prêt à vraiment communiquer et donner ses chiffres. » Un postulat de base qui nécessite néanmoins la pratique de l’anglais si on veut échanger avec les autres membres lors des rencontres inter-pays.

WA : Quelles seront les conditions essentielles pour qu’une exploitation laitière européenne soit rentable ?
PA S :
EDF mène depuis plusieurs années des études économiques à partir des résultats de 180 exploitations laitières du réseau. L’approche économique d’EDF est basée sur le calcul d’un seuil de rentabilité qui prend en compte, outre les charges classiques, le coût éventuel du quota, celui du travail et la rémunération des capitaux. Une méthode mise au point par notre groupe allemand, mais qui s’applique à tous les pays. En France, on constate, que les coûts, pour produire 100 kg de lait, varient entre 23 € et 54 €, soit une amplitude de 1 à 2,3. Au Royaume-Uni, cette amplitude va de 1 à 1,5. L’entrepreneur laitier peut donc encore agir sur certains leviers de rentabilité, temps passé, coût d’alimentation. Ce qu’on constate globalement, en revanche, sur toutes nos exploitations adhérentes, c’est que les profits sont très faibles, voire nuls. Le revenu des producteurs est resté stable pendant plusieurs années, puis a baissé, alors que les prix à la consommation continuaient à augmenter. Pour que le travail des producteurs de lait soit décemment rémunéré, il faut que le prix du lait soit correct.

WA : Quelle serait la taille « idéale » pour qu’un éleveur européen vive du lait correctement dans quelques années.
PA S :
Je pense que, pour une exploitation laitière, il faudrait au moins 300 vaches laitières, pour que le coût de revient de distribution de l’aliment soit intéressant. Une exploitation qui nécessite alors le travail de cinq personnes, avec tous les travaux qui tournent autour de l’atelier lait. En Estonie, on construit des étables pour 400 vaches ! A échéance de cinq ans, la taille moyenne des troupeaux va encore augmenter en Europe. La Pologne, la Hongrie, ont déjà des troupeaux conséquents, ce qui permet une économie d’échelle, on y voit des structures en perpétuelle évolution.

WA : Les quotas sont-ils une bonne chose pour la production laitière européenne. Pensez-vous qu’ils sont amenés à disparaître ?
PA S :
Les quotas ont un effet bénéfique sur une période courte. Mais sur le long terme, le système s’avère négatif, car dans certains pays, où les quotas se monnayent, ils pèsent lourdement  sur les charges. Par exemple, il y a quelques années, le quota était dix fois plus cher aux Pays-Bas qu’en Suède, actuellement, il est vingt fois plus cher ! Le coût de rachat du quota est tellement élevé, que les producteurs néerlandais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne sont pas bien placés en terme de rentabilité économique. Et maintenant, dans ce pays et dans d’autres, l’argent tombe dans la poche des agriculteurs retraités, alors qu’il devrait être réinvesti dans les exploitations en activité. Le système des quotas ne correspond donc plus à l’objectif de rentabilité actuel, ils doivent donc disparaître.

WA : Vous sillonnez l’Europe laitière. Y a-t-il un pays qui vous étonne particulièrement sur le plan du dynamisme laitier.
PA S :
Non, je ne peux pas dire qu’il y vraiment un pays plus dynamique qu’un autre. Chaque contrée est tout de même tributaire de ses ressources naturelles. Après, ce sont les producteurs eux-mêmes qui font la différence, par la façon dont ils gèrent leur entreprise. C’est leur propre dynamisme qui fait le résultat.

Comment  contacter le réseau EDF France

Jean-François Verdenal, Earl de la Tourette, 46 rue d’Amenoncourt, 54 450 Igney.
Tél. :  03 83 42 39 32 / 06 62 55 90 56.
Email : earl.tourette@terre-net.fr.

Ou contacter le technicien Btpl de votre secteur.

Quelques adresses internet à consulter :

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